Le Cycle Menstruel : invisible et pourtant essentiel

Le cycle menstruel

Les temps changent, le sang des femmes est devenu rouge dans les publicités. Le sujet de l’endométriose est de plus en plus évoqué sur des chaînes nationales, des talk-shows ou des partages d’expérience… Bref le cycle sort de l’ombre. Pourtant, et c’est ce que je vois régulièrement en tant que conseillère, le cycle menstruel est souvent relégué au second plan.

Au passage, son nom même peut nous le montrer. C’est un sujet, et une réalité, qui a été porté à mon attention par Marie-Pénélope Peres au sein de la communauté Rites de femmes. Nous parlons de cycle menstruel… alors que nous pourrions parler de cycle ovarien. De la même façon que nous ne parlons pas de cycle de la pluie, mais bien du cycle de l’eau. Il y a déjà là quelque chose de limitant. Les mots ont une importance et dès lors, le cycle s’arrête à un de ses symptômes, les menstruations.  

Et le cycle est souvent relégué, au second plan dans les conversations sur la santé des femmes et même tout simplement de façon générale par les femmes elles-mêmes.

Partons de la base : moi-même. Je suis née femme dans un corps de femme, et j’ai vécu jusqu’à 35 ans avant de m’intéresser vraiment à mon cycle. Comme la majorité des femmes que je croise (tant sur des salons que dans des rencontres d’entrepreneurs ou dans la vie courante), mon cycle n’a pas été un sujet. On ne sait pas vraiment comment cela fonctionne, à part les rudiments qui nous restent de ce que nous avons pu apprendre dans le contexte scolaire. Ce n’est pas vraiment un sujet, à moins qu’il nous cause des douleurs et autres complications.

Le cycle n’est donc pas un sujet. La majorité des femmes est dans l’ignorance totale de ce qui se passe dans leur corps, de ce que leur cycle leur dit et des possibilités qui s’offriraient à elles si elles l’observaient et le connaissaient.

Le cycle continue donc en partie à être quelque chose de secret, de caché. Alors oui, il y a de plus en plus de publicité pour pouvoir porter de la belle lingerie, confortable et écologique même dans les périodes de menstruations. Il y a de l’information sur le choc toxique et l’importance de changer régulièrement ses protections hygiéniques. On entend parler de plus en plus de SPM (Syndrome Prémenstruel, symptômes physiques et psychiques plus ou moins aigus et plus ou moins longs qui se produisent en lien avec les changements hormonaux de fin de cycle). Des femmes sur les réseaux partagent leur expérience et les conséquences parfois dramatiques de leur contraception. Oui, globalement « on en entend parler » si on y prête un peu attention. Et en même temps je vis une autre réalité.

Laissez-moi vous présenter quelques échanges concrets que j’ai dans ma vie quotidienne quand j’évoque le sujet du cycle en tant que conseillère.

Voici tout d’abord quelques réactions que j’ai eu quand j’ai parlé avec des collègues de travail et des femmes de mon entourage, de la possibilité de familiariser leurs filles (ado et jeune adulte) à l’observation de leur cycle  : « Ô il y a le temps ! », « Elle connait déjà bien, je lui en ai parlé et elle a eu des cours là-dessus », « Holà, elle verra ça quand elle sera mariée ! », « Pas besoin, elle prend la pilule parce qu’elle a des règles trop douloureuses », et plus rarement « Je vais lui en parler ».

Tout cela sans compter celles qui connaissent mon activité mais qui ne sont pas plus curieuses que ça et qui pour elles-mêmes me disent : « Ô moi je suis en pilule continue et c’est parfait comme ça », « Mon mari va faire une vasectomie, on sera tranquille », « Non c’est bon je n’ai pas de problème de fertilité », « Moi j’ai un stérilet parce que je suis hyper fertile ».

Voici ensuite la réaction récurrente d’hommes qui se présentent à mon stand lors de salons et me demandent ce que je fais, des officiels par exemple : « Ah, alors je ne suis pas concerné ! ».

Et voici enfin la réaction de femmes que j’interpelle également lors des salons que je fais pour participer à un atelier sur le cycle : « Ô moi je ne suis plus concernée depuis longtemps ! Je suis ménopausé depuis 10 ans ! », « Ah ? Euh ? C’est-à-dire ? ça parle de quoi ? », « Euh… je ne sais pas trop si ça m’intéresse », « … (Silence)… c’est vrai que je ne me suis pas vraiment posé la question ça peut être intéressant », « Non, merci, je n’ai plus de règles je suis sous traitement », « Je connais déjà et j’observe mon cycle, j’ai une appli pour ça », « Non c’est bon, merci, je sais comment ça fonctionne ».

Et après il y a la discussion que je parviens à mettre en place (ou pas !) après toutes ces réactions à chaud. Il y a les femmes qui ferment définitivement la porte au sujet. Des hommes qui sourient un peu gênés de s’entendre dire qu’ils pourraient aussi se sentir un peu malgré tout concernés de ce que vit la moitié de l’humanité sur terre, y compris leur femme… sans parler du sujet de la contraception où c’est généralement elle qui s’en charge alors que c’est eux qui sont fertiles tout le temps… Il y a les femmes (et parfois les couples) avec qui une vraie discussion s’installe et où un questionnement se met en place, interrogeant sur des représentations, des méconnaissances ou des points d’approfondissement précis et qui ensuite auront envie (ou pas) d’aller plus loin et de creuser le sujet.

Vous l’aurez compris, le sujet du cycle n’est pas un sujet, ni facile, ni simple, ni « si naturel et évident » dont chacun juge essentiel de s’approprier la connaissance. En gros : c’est pas gagné.

C’est un sujet où l’information n’est pas claire et ne circule pas librement même dans notre entourage propre. Comme si le chemin devait se faire seule, sans transmission. Comme si le cycle était quelque chose à découvrir uniquement par notre propre expérience, au fil de nos propres errances ou seulement lorsqu’il devient un problème et que là alors, on cherche de plus près.

Pourtant c’est un sujet qui devrait importer. Un droit fondamental de toute femme que de se connaître et connaître son corps.

En observant et en connaissant son cycle, une femme a une fenêtre de visibilité sur sa santé globale et reproductive. Elle a des clefs pour mieux comprendre et gérer son bien être émotionnel. Elle a la possibilité de mettre en place une communication et une relation de couple basée sur l’échange quant à son humeur. Une femme a aussi la possibilité d’apprendre de son corps et d’éduquer ses enfants (filles et garçons) dans l’écoute et la connaissance du leur. Et pour une société, ce n’est pas rien.

Alors oui, derrière l’observation et la connaissance du cycle menstruel il y a aussi tout cela. Et de plus en plus nombreuses sont les femmes à vouloir mieux se connaître et à chercher des alternatives aux contraceptions les plus répandues. Pour autant il s’agit souvent là de recherche de solution à un problème. Et mon envie aujourd’hui est que cette démarche change.

En effet le cycle devient un sujet pour régler un problème au lieu d’être un droit à la connaissance de son corps.

Et quelle richesse ce serait, mis à part pour les femmes elles-mêmes, pour les professionnels de santé, que d’avoir des femmes avec qui co-construire la santé, d’être un réel soutien dans une démarche globale de bien-être, active et consciente.

Alors, peut-être qu’il n’y a pas le temps de l’enseigner, le temps pour former, peut-être qu’il manque des connaissances, peut-être aussi que l’on n’en voit pas l’intérêt. Et puis, pour beaucoup, le cycle est un frein au rythme de la vie, au déroulement des activités quotidiennes. Pas le temps de ralentir. Quoi qu’il en soit, le cycle est « normal » et se déroule généralement dans l’indifférence.

Ne serait-il pas possible de s’arrêter deux minutes et de se poser quelques questions pour mieux avancer ?

Ne serait-il pas temps de nous interroger individuellement sur nos tabous et leurs origines afin d’ouvrir le débat et l’accès à l’information aux générations qui arrivent ? Ne serait-il pas temps de se poser la question de ce qui fait que je ne me sens pas concernée par un sujet qui est pourtant à la base de la physiologie du genre humain ?

Ne serait-il pas possible d’éduquer nos filles à ce qu’est vraiment le cycle, comment il fonctionne, ce qu’il peut leur apporter dans leur connaissance d’elle-même, de leur corps, de leurs émotions, de leurs fluctuations d’énergies… ?  Ne serait-il pas possible de leur parler de flux libre instinctif et de continence menstruelle pour favoriser ces temps de pause et d’attention à leur corps pendant leurs menstruations, afin qu’elles découvrir des sensations de leur intimité et qu’elles puissent vivre l’écoulement de leur flux sanguin de façon véritablement écologique ? Ne serait-il pas possible d’éduquer nos enfants (filles et garçons), dans la connaissance de la biologie de l’autre, de favoriser des temps d’échange autour de ces sujets, pour se comprendre, pour mieux relationner, pour grandir ensemble, pour créer des rapports d’équité ?…

Alors vraiment, si cet article t’interpelle ou t’interroge quant à cette connaissance encore mystérieuse pour beaucoup, n’hésite pas à revenir vers moi, à partager, à échanger, à diffuser. Parce que derrière ce sujet du cycle, qui est un sujet encore bien peu visible, se trouve une pièce essentielle de la santé des femmes et du monde éclairé de demain.

Emmanuelle Truchi, Conseillère en symptothermie, Fondation SymptoTherm.

Cet article a 7 commentaires

  1. Vérane

    Merci pour ce partage d’expérience et cette sensibilisation à ce sujet essentiel et passionnant. Certaines réactions que tu décris face au sujet du cycle me rappelle que c’est ce que nous pensons déjà connaître qui nous empêche bien souvent d’apprendre.

  2. Morgane Tudoret

    Merci pour ce bel article Emmanuelle. Prônons et revendiquons tous ensemble le droit de se connaître <3

    1. Muriel wettstein

      Merci Mogane!

  3. Harri

    Emmanuelle a fait une pertinente analyse qui nous préoccupe tous!

    1. Muriel wettstein

      Merci à vous!

  4. Muriel wettstein

    Très bel article, lucide et qui pose des questions essentielles!

    1. Muriel wettstein

      Merci pour votre retour!

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